Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

jeudi 28 janvier 2016

Sur la route épisode 7: dernières visions de l’île du Sud et réflexions diverses et variées

Un voyage autour du monde est plein de merveilleux moments, mais aussi de moments difficiles, quand il s’agit de quitter des gens que vous aimez et dont vous ne savez pas si vous les reverrez un jour… Il a bien fallu un jour que je quitte Ponga pass et que je dise adieu à Susan et Geoffrey pour reprendre la route et remonter vers l’île du Nord.


Coucher de soleil sur Paroa beach.


La forêt, encore et toujours, et ses fougères immenses.



Heureusement, le bonheur de reprendre la route compense cette douleur, et j’ai repris mes rêveries devant les paysages qui défilent. Nimbée d’un brouillard impalpable, la côte longée par la route avait une sorte d’irréalité étrange… Falaises battues par les flots, plaines sauvages immenses se sont succédé jusqu’à Westport avant que la route ne me ramènent vers l’intérieur et ses ambiances de far-west : les fermes de bois, Murchison et ses rues bordées de bâtiments de bois semblables aux saloons des films de cowboys, première ville de l’émisphère sud à avoir l’électricité, les montagnes et collines d’herbe jaune qui se succèdent… J’ai pris en stop trois jeunes Belges venus passer six mois en Nouvelle-Zélande, des scouts j’en suis sûre ! Tellement ils étaient frais et sains, adorables.


Pancake rock.

Etranges paysages, où les Rocheuses se mêlent au "Monde perdu" de Jurassic Park.

Reconnaissables entre tous, les vans de location de Wicked car, BD ambulantes.


Le far west a laissé la place à la région de Marlborough, région viticole, dernière étape avant Picton et son ferry pour retrouver l’île du Nord. Evidemment, à s’arrêter partout pour admirer, prendre des photos, j’ai failli rater mon ferry. La compagnie m’appelle pour savoir si je vais arriver (car oui, en Nouvelle-Zélande, quand vous réservez un billet de bus, de ferry ou autre, on prend la peine de vous appeler pour s’assurer que vous serez bien là, incroyable, hein ?) et là, panique à bord en réalisant que le bureau est trop loin pour que j’y arrive à temps après avoir rendu ma voiture. Je gesticule devant une voiture et m’aperçois au dernier moment qu’elle est bourrée jusqu’à la gueule mais pas de problème, Madame grimpe à l’arrière avec un grand sourire en ratatinant les enfants, Monsieur rit en me voyant écrabouillée par mon sac à dos posé sur mes genoux à l’avant, et la petite troupe m’emmène jusqu’à la compagnie de ferry en me racontant joyeusement leur voyage en France et leur confrontation avec un boucher bougon qui faisait semblant de ne pas comprendre ce qu’ils disaient, avant de me quitter en me souhaitant bonne chance pour le reste de mon voyage. C’est ça, l’hospitalité et la serviabilité kiwies !!!!

Le seul panneau de ce style que j'ai pu voir. les kiwis ne sont plus très fréquents...

Sauvignon blanc, chardonnay, merlot, chiraz, pinot noir, mmmmhhh...

Des moutons et des vignes: un bon résumé de la Nouvelle-Zélande.


J’ai adoré ce pays, ses paysages et surtout ses gens. En un mois et demi, je n’ai eu qu’une confrontation négative, insultes, doigt d’honneur et photo de ma plaque d’immatriculation par une conductrice après que j’ai fait une erreur de circulation. Au poste de police, ils étaient d’ailleurs visiblement embêtés par l’ire de la dame car lorsque je suis arrivée pour m’excuser et payer une amende s’il le fallait, ils étaient déjà au courant, celle-ci s’étant précipitée chez eux ; ils m’ont laissée repartir après m’avoir gentiment grondée, en multipliant les conseils de prudence sur la conduite à gauche et en me souhaitant un bon séjour. Je vais me répéter, mais l’hospitalité et la gentillesse kiwies se sont encore manifestées ici. Pour moi, sur l’échelle de la sympathie, ils sont au même niveau que les Québecois.

Passage entre les deux îles, cette fois sur le chemin du retour.
 Et pourtant, aussi étonnant que cela paraisse, je pense que je ne pourrais pas vivre ici car il me manquerait une chose dont je me suis rendu compte qu’elle m’est indispensable, l’histoire. Comment dire ? La Nouvelle-Zélande a pourtant une histoire, celle des Maoris, des peuples qui les ont précédés puis celle des colons, mais c’est une histoire que je n’ai découverte qu’adulte. Elle n’est donc pas rattachée à cette période de l’enfance où nos rêves, les histoires que l’on entend nourrissent notre être profond, nous construisent et font vibrer les sentiments. Tandis que passer dans une ville d’Europe fait instantanément naître dans mon esprit des images issues de ces rêves d’enfant, fait vibrer des cordes intérieures, le sentiment d’appartenance. En Amérique ou au Canada, je n’ai pas ressenti cet étrange sentiment de manque comme en Nouvelle-Zélande car nos rêves d’enfance sont aussi nourris de westerns, on y trouve donc une correspondance.

Il y a pourtant des histoires en Nouvelle-Zélande, celles de la Terre du Milieu, et du mon de du Seigneur des anneaux... Les paysages splendides des films sont tous en Nouvelle-Zélande.

Comment ne pas penser à un ork?



L’histoire de la Nouvelle-Zélande est pourtant riche aussi d’enseignement sur les conséquences néfastes  sur l’environnement et par la suite sur la vie des gens, que peuvent avoir des actes faits 150 ans plus tôt. En seulement 150 ans, la nature du pays a en effet été totalement bouleversée. Avant l’arrivée des Européens, la Nouvelle-Zélande – Aotearoa l’ile du long nuage blanc pour les Maoris – était une île d’oiseaux ; les seuls mammifères étaient deux espèces de  chauve-souris. Sans prédateurs, les oiseaux ont désappris à voler, ou à nicher dans les arbres. Lorsque les Européens sont arrivés, ils ont fait venir non seulement des moutons, mais aussi des lapins pour l’élevage. Mais certains se sont échappés, et ont fait ce que tout lapin digne de ce nom fait, ils ont proliféré. N’ayant pas de prédateurs, ils ont fait comme en Australie, ils ont tout ravagé. Pour lutter contre eux, les mêmes Européens ont décidé d’importer des belettes, fouines et furets, au grand dam des scientifiques de l’époque qui craignaient que le remède soit pire que le mal. Ils ont pu éviter au moins l’importation de renards.
Les mustélidés se sont attaqués certes aux lapins, mais surtout aux oiseaux qui ne savaient plus voler, proies tellement faciles… Les oiseaux de Nouvelle-Zélande ont failli être exterminés et n’ont dû leur salut qu’aux protections mises en place. La lutte continue aujourd’hui, et l’on voit partout des pièges pour les mustélidés. C’est pourquoi les forêts semblent parfois étrangement silencieuses, commen vidées de leurs oiseaux. Heureusement, il reste le merveilleux chant du tui, à mi-chemin entre la flute et la clochette… Mais on entend surtout les chants des moineaux, merles, pinsons et alouettes.

Même problème pour les cerfs, chamois, daims que les Britanniques avaient importés pour le plaisir de la chasse. Ils se sont multipliés, ravageant la flore, d’où la chasse intensive qui a été mise en place, avec hélicoptère, fusil à lunettes voire mitraillette, version viandard. Ce carnage a permis de réguler la population, et aujourd’hui celle-ci est à peu près contrôlée. Importés d’Australie, les opposums ont fait des ravages eux aussi ; les wallabies sont à priori contrôlés et confinés sur une petite portion de l’île du Sud.


Invasifs de toutes sortes


La situation est la même pour les plantes. Ce qui était jadis un pays de forêt a été déboisé pour laisser la place aux pâturages à moutons, avec une herbe grasse et verte importée et irriguée. Heureusement, là où la forêt est restée, elle est relativement bien préservée. Les magnifiques fougères, dont la fougère argentée, symbole de la Nouvelle-Zélande, sont bien présentes ; et la foret humide est une splendeur, avec une âme. Cela dit, les nikau, palmiers aux fleurs rose pâle, ont été quasiment éliminés de l’île du Nord, pour la construction. Or, là encore, n’ayant pas de prédateurs, ils ont évalué avec une croissance très lente ; un arbre est adulte à 150 ans.

En revanche, les ajoncs (gorse), importés d’Ecosse par les bergers pour faire des haies, se sont intensément plus ici et ont envahi le pays. Là aussi, on lutte contre eux, ou plutôt on essaye d’éviter qu’ils ne s’étendent plus ; car les éliminer est impossible.

Et autour de Moke lake, on essaye aujourd’hui d’éliminer les conifères que les Européens avaient importés car ils voulaient que les Alpes du Sud ressemblent en tout point aux Alpes d’Europe, et recréer une petite Suisse dans l’émisphère sud. Sauf qu’à Moke lake, le climat est plus doux, les conifères y poussent donc trop vite et leur bois est trop fragile pour servir à quoi que ce soit.

Ainsi va la vie, où l’on essaye en permanence de réparer les erreurs du passé…


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