Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

jeudi 7 janvier 2016

Sur la route, épisode 4; Milford sound sous un rare soleil éclatant

Rudyard Kipling a dit de lui que c'était la Huitième merveille du monde: Milford Sound / Piopiotahi, le fjord le plus connu du Fiordland (avec un "i"), au sud-ouest de la Nouvelle-Zélande. C'est là que j'ai choisi d'aller pour vivre le passage de 2015 à 2016.

Dire que le lieu est au bout du monde est un euphémisme: la route qui relie Te Anau, la ville, au fjord, ne fait que quelque 100 km, mais il faut au moins deux heures et demi pour la parcourir. La route serpente, tourne, est étroite, et on franchit une chaîne de montagnes par le Homer Tunnel, un étroit tunnel à circulation alternée, et avec une  pente comme je n'en ai jamais vu dans des tunnels. Il a fallu vingt ans pour le creuser... Deux heures et demi aussi car, à moins d'être un total insensible, on ne peut s'empêcher de s'arrêter pour admirer, voir, avaler les paysages majestueux qui se déroulent devant nos yeux sur ces cent kilomètres.

Brume matinale sur la route vers le fjord.

Paysages écrasants...

Ou petites merveilles de la nature, comme ces étangs à l'eau transparente.


Milford Sound / Piopiotahi, c'est d'abord Mitre Peak - car il ressemble à la mitre d'un évêque -, un sommet dont les 1692 mètres plongent directement dans l'eau, un des plus hauts du monde de ce type; le fjord, lui, et profond de 300 mètres. Là-bas, j'ai fait la totale: croisière sur un bateau le 31 et rando kayak le 1er janvier. Bienheureux choix, pour la croisière, d'un petit bateau avec départ tôt le matin (10h, mais vu le temps pour venir de Te Anau, cela signifie lever à 5 h 30, argl...) car j'ai ainsi échappé au troupeau de la mi-journée. Cela dit, cela aurait pu être intéressant en termes ethnologiques: cargaison de Chinois et d'Indiens, avec quelques Européens paumés au milieu. D'ailleurs, les indications en Nouvelle-Zélande sont souvent en anglais et en chinois. Le Japonais? Aux oubliettes. Il en va des empires touristiques comme des empires politiques: ils dominent, jusqu'au jour où il se font dominer par un autre...

Petit bateau, et donc possibilité d'approcher les otaries à fourrure se dorant la pilule sur leur rocher - moustaches frémissant de béatitude et grattage nonchalant de puces par une nageoire - d'approcher également les cascades au plus près.







Nous avons aussi eu la chance de voir les dauphins habitant la côte, non seulement de les voir mais presque de les toucher: il sont nagé sous notre bateau, et - merci à eux - pile sous mon nez! A les voir filer comme des flèches argentées,  jaillir, replonger,  toujours à un mètre de moi, j'en ai gazouillé de joie!  Le jeune du bateau était d'ailleurs surpris: en général ils restent vers l'extérieur du fjord, c'est la première fois qu'il les voyait rentrer carrément dans les eaux douces. Un peu plus tard, la médiatrice du centre d'observation sou-marin m'a dit qu'en quinze mois de présence ici, elle ne les avait vue qu'une seule fois.

Ils étaient à un seul endroit sous le bateau, et c'était pile sous mon nez! Merci à eux...


Et donc, cette 8e merveille du monde? Eh bien, euh... Le fait est que j'ai eu la "chance" de le voir sous un soleil radieux, ce dont tous les Néo-Zélandais rêvent. Le lieu est en effet un des plus pluvieux au monde, 200 jours de pluie sur 265 et une hauteur annuelle d'eau d'une maison d'un étage; autant dire que les probabilités de voir le fjord au soleil sont mince.

Paysage splendide, même si j'aurais espéré y voir les forces de la nature à l'oeuvre...





Et justement, cela me convenait! Je rêvais de voir le fjord sous le mauvais temps, nuages sombres, vent, cascades géantes, vivre ces moments où la nature montre sa puissance... Mais voilà, depuis neuf jours le soleil régnait, c'est exceptionnel, et tout le monde était content sauf moi! Sous un beau soleil, Milford Sound est... beau, tout simplement. Mais où sont sa force, sa puissance, sa majesté? Celles qui font que l'humain se sent tout petit? Je les ai cherchées, mais ne les ai pas trouvées. Je me suis consolée lors du passage d'année, à  savourer le fjord la nuit, avec un verre de merlot et du chocolat noir... et surtout je me suis repue de la vision des vers luisants dans la forêt menant au fjord. Les mêmes que ceux que j'avais vu dans les grottes de Waitomo, mais ceux-ci étaient encore plus émouvants car non prévus, et j'ai pu le admirer durant une éternité...

Sieste réparatrice au soleil du 31 décembre. Et oui.... :-)

Savourer le passage de 2015 à 2016 avec ce spectacle devant les yeux...



Cela dit, Milford Sound sous la sécheresse avait un avantage indéniable: l'absence de te namu, la mouche des sables. Les Maoris racontent que lorsque le septième et dernier enfant de Père et Mère a creusé les fjords avec sa hache de jade, la déesse de la mort et des mondes souterrains a eu peur que les humains, en voyant la beauté des lieux, n'y voient un paradis et en oublient la mort. Aussi, pour qu'ils s'en souviennent, elle ac créé te namu, une véritable petite horreur. En voyant la mort exister, une grive a chanté sa tristesse, c'est pourquoi les Maoris appellent le lieu "Piopiotahi", "le chant de la grive".

Un Sud-Africain nous a raconté au backpackers hostels, un bivouac à Milford Sound; pour se protéger dans la journée, seuls son visage et ses mains étaient à découvert malgré la chaleur, et le soir sous la tente, il a cru qu'il pleuvait, c'était en fait les myriades de mouches qui venaient percuter la toile de tente. Sur toute la côte de Nouvelle-Zélande, mais surtout sur la côte ouest, te namu est là, partout, tout le temps...


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