Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

samedi 23 janvier 2016

Chez Susan et Geoffrey, galerie de personnages attachants

Dix jours à Ponga Pass, c'est quoi, donc? Pour montrer leur sens de l’accueil de Susan et Geoffrey, voici Richard et Rosa, lui d’Annecy, elle du Wisconsin, deux jeunes auto-stoppeurs; Susan les a rencontrés à la pharmacie de Greymouth car Richard s’était blessé au genou et le jeune couple ne savait pas où aller. Elle leur a proposé de les héberger le temps que Richard aille mieux. Le jeune couple a donc vécu dans un bateau au fond du jardin, transformé en habitation.



Et puis, du côté des amis, voici donc Claire, la Française que j’ai rencontrée à la course de chevaux, camarade de chorale de Susan. Lors de la randonnée sur la pointe Elizabeth, cette conteuse intarissable m’a expliqué l’histoire de la région, pourquoi elle avait été une des dernières à être développée : une côte hostile, des récifs sur lesquels on fait naufrage et, si l’on arrive à accoster, un comité d’accueil composé d’une barrière quasi-infranchissable de lax (chanvre), que seuls les couteaux de pêcheurs arrivent à tailler, et l’attaque par les tenamu, les mouches des sables – c’est sur la West Coast qu’elles sont le plus féroces – la vie rude des chercheurs d’or ; la West Coast était - et est toujours - avec Otago, la région aurifère du pays. Geoffrey perpétue la tradition, même si les sites deviennent de plus difficiles à trouver…

Claire, en pantalon et sac à dos, a une vision bien à elle de l'habillement chic pour la course de chevaux de Kumara.

Le chanvre en question, celui devant lequel les colons se retrouvaient à peine débarqués sur la côte.

Claire me mimant le weka, un des oiseaux endémiques de la Nouvelle-Zélande, a été un moment d'anthologie. Coureur comme la plupart des oiseaux de l’île (ils n’avaient pas de prédateurs avant l’arrivée des Européens), curieux comme une pie, il est la bête noire des jardiniers car il fouit le sol, comme les sangliers. Adieu salades et autres légumes lorsqu’il est passé par là ! La plupart des gens le tuent, Susan n’en a pas le cœur et quand elle en prend un au piège, elle le relâche au loin. Bref, Claire me raconte le weka, penchée comme un coureur sur le départ, prête à prendre la fuite comme lui : « C’est un voleur, il attrape tout ce qu’il trouve, y compris un porte-monnaie, et dès qu’il a un butin, il file avec en regardant à droite et à gauche  - mouvements de tête à l'appui - du style « Attention ! Est-ce que quelqu’un va me piquer mon trésor ? » et ce n’est qu’à l’abri qu’il l’inspecte pour voir si c’est intéressant. » Claire? Elle devrait faire du théâtre !

Un weka chanceux, remis en liberté par Susan. 

Développée après les autres, la West Coast a gardé son caractère rude, et ma vie à Ponga Pass m’a fait connaître quelques uns de ses représentants. Mick Collins, le sculpteur de jade qui a initié Susan il y a vingt ans ; une barbe blanche, chenu,  penché sur sa canne, pipelette et très marseillais dans l’enjolivement de ses histoires d’après Geoffrey, il m’a fait penser à ces personnages de Grandpa chez Lucky Luke, coincés sur leur chaise roulante et jamais plus heureux que lorsqu’ils peuvent s’échapper de la maison sur leurs quatre roues en brandissant leur fusil avec un grand « Yipeeee ! ».


Grâce à lui, j’ai découvert que la Nouvelle-Zélande avait participé à la guerre du Vietnam, il en est un vétéran. La différence avec les USA est que les soldats australiens et néo-zélandais étaient uniquement des volontaires ; lui-même s’est engagé pour lutter contre le communisme et est très fier de souligner que son grand-père a participé à la Première Guerre mondiale (à Gallipoli en Turquie), son père à la Seconde, et lui à celle du Vietnam : « La Nouvelle-Zélande a participé à toutes les grandes guerres », dit-il en gonflant le torse, c'est tout juste s'il ne sort pas le drapeau national. Il m’a raconté que c’est à la suite d’une expédition de quinze jours que ses cheveux sont devenus blancs du jour au lendemain. Aujourd’hui encore, il reste marqué par ce qu’il a vécu, et son corps porte encore les séquelles de l’agent orange (la dioxine), avec ses oreilles entre autres qui perdent chaque année des morceaux.


Eldorado sur Serpentine beach


Mick, c’est aussi l’histoire de ce jour où les pluies intenses ont fait ressortir l’or de la terre ; il revenait de pêche avec un copain quand, sur Serpentine beach, il a vu « la plage qui étincelait de paillettes, c’était comme l’Eldorado des légendes, il y avait de l’or sur quatre milles » - yeux au ciel de Geoffrey « Ben voyons… ». Avec son copain, ils ont décidé de revenir le lendemain avec du matériel pour récupérer ce trésor, mais voilà, la marée est passée par là, et le beau trésor pailleté est parti à la mer avant leur retour… Vérité, légende, je ne sais, mais l’histoire est belle, et Mick la raconte avec tant d’humour…


Autre personnage savoureux, Grandpa, le père de Geoffrey. Chercheur d’or lui aussi, fermier et chasseur, il a inventé un fusil à lancer un filet pour attraper le gibier. Sourire de Susan et Geoffrey : « Sauf qu’il n’a pas pensé à faire breveter son idée…  D’autres y ont pensé à sa place… » Il ne se pris pas pour me le montrer et se faire prendre en photo avec, sous l’œil un peu inquiet de Grandma, se demandant visiblement si la Française va se retrouver empêtrée dans le filet…



Que dire encore de ces dix jours? La vie à Ponga Pass, c’est aussi la rencontre avec John, un gars qui, il y a quelques années, a traversé toute la Nouvelle-Zélande du sud au nord à pied, sans le moindre argent, en comptant uniquement sur les rencontres et la confiance. Seule exception, la traversée par le ferry, qui lui a été offerte par des amis. Une aventure comme celle-ci peut se vivre en Nouvelle-Zélande car la confiance entre les gens y est un maître mot.

Au pays des "flossums"


C’est aussi cet Allemand pris en stop par le même John et qui, avec un humour très britannique, lui fait remarquer le nombre de flossums que l’on trouve dans le pays. Réponse de John : « Euh, tu veux parler des possums (opossums) ? » L’Allemand : « Non, non, ce sont des flossums. » John : « Je peux te garantir que ce sont des possums. » L’Allemand, imperturbable : « Non, des flossums, des « flat possums »… » c’est-à-dire des opossums plats, référence à tous ceux que l’on trouve transformés en crêpes sur les routes. En Nouvelle-Zélande, on n’a pas de hérissons, mais on a des flossums.

J’ai par ailleurs la fierté de dire que, chez Susan et Geoffrey, j’ai gagné mes galons « d’hôte HelpX dont on se souvient ». « Parfois on hésite à reprendre un HelpXer car cela peut être fatigant d’avoir quelqu’un chez soi et certaines relations ne sont pas faciles, me confiait Susan. Mais c’est la première fois que je vois quelqu’un qui répond avec enthousiasme quand je lui propose de désherber, tu as amené de l’énergie et de la vie dans la maison qui est devenue calme depuis que Navarré habite avec sa copine. Tu fais partie de ceux grâce auxquels on se dit « si, cela vaut le coup de continuer avec HelpX ». » J’avais les larmes aux yeux lorsqu’elle m’a dit cela…

Et pour Geoffrey, je serai toujours « Tutut ». Et oui, j’ai un eu choc le jour où il m’a dit qu’il ne comprenait pas quand je parlais. Non pas en raison d’un accent prononcé, mais parce que mon visage expressif et ma façon de parler très « bédéesque » en truffant mes phrases d’onomatopées sont parfois difficiles à suivre… La seconde de légère vexation passée, j’ai décidé de prendre cela avec humour – autant assumer mes mimiques, hein ? – et d’accepter mon surnom. Et de toute façon, comme je lui ai dit, il ne me battra jamais sur le terrain des onomatopées, scrtzfrtz !

Grandpa, lui, m’a trouvé un emploi idéal pour le cas où je me retrouverais au chômage : policière chargée de régler la circulation à Tijuana au Mexique : « Tu brandis les bras dans tous les sens de façon idéale pour cela ! » m’a-t-il dit en riant. Merci Grandpa, grâce à vous, mon avenir est assuré ! J

 Avenir incertain


Susan et Geoffrey, eux, vivent cependant actuellement des moments difficiles ; le dernier site aurifère que Geoffrey a exploité est épuisé, lorsque j’étais chez eux il était en phase de remise en état du site pour qu’il redevienne pâturage à moutons avec les bulldozers – d’où le fait que je n’ai pu voir son travail de chercheur d’or – et ses recherches pour de nouveaux sites étaient infructueuses, même si les mines exploitées restent encore nombreuses dans le secteur. Les recherches se font par exploration aérienne, étude géologique, sondages, l’exploitation elle-même se fait avec des dragueuses, des bulldozers, des pompes amènent et évacuent l’eau. Il espère trouver un site dans l’Otago, et sinon il retournera travailler au Yukon, au Canada, ce que le couple avait déjà fait il y a une quinzaine d’années. 

Dilemme pour Susan : le suivre et voir tous ses efforts mis dans son magnifique jardin risquer d’être réduits à néant si les locataires de la maison ne s’en occupent pas ? Ou rester, louer la maison, vivre dans le bateau pour s’occuper du jardin, mais être séparée de Geoffrey durant plusieurs mois ? Car ce jardin naturel est sa source de bonheur, de plénitude, sa nourriture physique et spirituelle…

Susan, Geoffrey, je ne sais si je vous reverrai un jour, mais je souhaite ardemment que vous puissiez trouver une solution, Susan que tu puisses continuer à suivre avec bonheur les progrès de ton jardin, Geoffrey que tu puisses un jour racheter l’hélicoptère de tes rêves… Merci pour ces moments, mon séjour chez vous est un de ceux qui m’a marquée, au même titre que la ferme RDF de Lucie au Québec et El Yunque au Nicaragua. Je vous aime et vous me manquez…


Nouveau jeu à être des reines sur leur trône, Susan et moi, cette fois sur Wood's creek, track, une ancienne mine d'or du début du XXe.

Avec Susan, nous avons revécu ensemble nos rêves de princesse d'enfant!...

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