Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

dimanche 20 septembre 2015

Un reve coupé au couteau

Granada, joyau historique du Nicaragua, une splendeur coloniale baroque, des maisons aux colonnes de stuc se détachant sur des murs de crépi jaune, rose, bleu éclatant, des églises aux facades chargées, émouvantes.... Alanguie au bord du lac Cocibolca, dominèe par la silhouette du volcan Mombacho...

Mais pour moi, Granada, ce sera d'abord une sensation très étrange, celle d'avoir un couteau pointé vers le bas-ventre... Ma première soirée à Granada s'est terminée ainsi, dans une rue sombre de la ville. Je revenais de travailler sur mon ordi au Tercero Ojo (le troisième oeil), le boudha bar de "la" rue des bars, calle Calzada, et je rentrais à mon hotel. Sauf que cet hotel est dans une rue sans aucune lumière et, je l'apprendrai ensuite, connue pour etre dangereuse, ce que le personnel de l'hotel ne m'avait pas dit...

Deux a vélo, un  classique des bandes de Granada


A vingt mètres de l'hotel, deux jeunes à vélo  - un classique des bandes de la ville, j'apprendrai après - se sont précipités, m'ont coincée contre le mur, le couteau pointé vers mon bas-ventre et ont attrapé mon sac ou j'avais tout avec moi: argent, ordi, appareil photo, smartphone... Dans ces moments, l'esprit est anesthésié, on se dit "non, ce n'est pas possible, ca ne peut pas arriver", mais voilà...

Hurler en espérant que des gens sortiront de chez eux, tambouriner sur une porte d'un autre hotel encore plus proche et voir la porte rester ferméee, là, on erre, on est comme saoule, l'esprit vide, "ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, non, non".

Un jour trop tôt...


Plus d'argent, plus rien, et surtout toutes mes photos disparues, les photos des gens que j'ai rencontrés et aiéés au cours de ces trois mois de voyage... Avec les connexions internet difficiles, j'avais toujours repoussé le moment de les mettre sur un serveur, et je pensais justement le faire le lendemain. Les agresseurs sont venus un jour trop tot....

Il y a au moins une bonne chose avec ce type d'agression, c'est qu'elle aide à relativiser: OK, j'ai été volée, mais je suis vivante et non blessée. Le reste, c'est du matériel.

Et puis cela m'a offert d'autres expériences: une policière caricaturale en terme de lenteur et de bêtise - ah, les reproches sur le fait de ne pas avoir pu voir leurs visages cachés par des casquettes dans cette rue sans lumière... - des messages de soutien sur Facebook qui font chaud au coeur, un couple franco-nicaraguayen qui m'offre de venir chez eux utiliser leur ordinateur pour faciliter mes démarches, un café tenu par Gilles, un Francais, et qui me réconforte en pouvant parler avec des gens "de chez moi", et surtout la rencontre avec Sandy et Charlotte, un couple de retraités américains habitant Granada, embarqués dans le même taxi que moi et qui, devant mon histoire, m'offrent de passer la soirée chez eux.

Pittoresques, gratinés, lui sorte de petit frère d'Hemingway avec sa barbe, ses cigares et ses rhum - Seven Up - et passés du très haut - propriétaires de villas, membres du country club - au très bas après s'etre cassé la figure durant la crise de 2008, vivant aujourd'hui d'une petite pension, et avec une approche de la vie, un tempérament positif dans lesquels je me suis retrouvée, c'était pile ce qu'il me fallait!

Les 5% qu'il ne fallait pas connaitre


Du coup, après de premières heures samedi à voir chaque Nicaraguayen que je croisais comme un agresseur potentiel, j'ai retrouvé mon sourire, ma  joie de vivre. Il y a pire dans la vie que de se faire voler. Les photos ont disparu à tout jamais, personne ne verra le volcan Telica rose au petit matin, toutes ces photos des gens d'El Yunque aue j'avais prises a éon second séjour, les habitants de Leon dont j'ai fait des portraits, la vendeuse de pain au coin de la rue, la cuisinière du bouiboui ou j'ai mangé, la séance de cumbia improvisée avec une famille en attendant mon bus, la vieille dame posant avec son balai devant sa maison au bord de la plage, les habitants de Granada assis au pied d'une somptueuse église décrépie, savourant la fraicheur du soir, mais les sourires et les rires que j'ai partagé avec eux en leur montrant les photos, eux, sont réels et seront toujours là. Et finalement c'est ce qui compte.

J'ai quitté l'hotel ou j'étais, je n'avais plus envie d'être dans cette rue, j'ai rejoint la Boca en Boca, hotel pour backpackers tenu par un jeune couple francais très sympa et mine d'infos sur Granada (pas comme mon précédent hotel, hein...) découvert grâce à Mathieu, un Francais rencontré lors de l'excursion sur le volcan et qui avait vu mon appel de détresse sur Facebook - vive Facebook!! - et j'ai de nouveau été me balader dans la rue.

Oui, j'ai pu voir dans les yeux de certains que je l'avais cherché en rentrant a pied le soir, mais depuis un mois que je suis au Nicaragua, je n'ai rencontré que des gens bien, a Leon et Matagalpa j'ai arpenté les rues la nuit sans jamais être inquiétée a part une main aux fesses, je continue a penser que 95% des gens sont honnêtes, j'ai simplement eu la malchance de tomber sur les 5% restants ce vendredi soir. Et quand je vois les voyageurs prendre des photos des gens avec leur smartphone sans même se préoccuper de savoir si ceux-ci sont d'accord, quand je les vois regarder les choses de loin sans se mêler aux gens, je me dis que, même si je l'ai payé cher, je préfère rester comme je suis et donner ma confiance aux gens.


3 commentaires:

  1. Dommage que tu n'aies pas prévu la "clé"USB. Prévois maintenant si tu peux. La clé restera dans tes bagages.
    Isabelle, ta soeur

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  2. Ouais c 'est toujours après un accident au'on pense aux précautions à prendre....

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  3. Je découvre seulement maintenant ta mésaventure (honte à moi). Heureux que ce n'ait pas été plus grave. Bon courage et bonne chance. Jax

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