Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

lundi 2 novembre 2015

"Joie, travail et paix" et autres petits instantannés d Amerique centrale


Obligée de passer un jour à Managua avant de prendre mon avion pour Tahiti, je me préparais à passer une journée à m'ennuyer comme un rat mort, Managua n'ayant aucun intérêt; à sa décharge, ce n'est pas de sa faute, elle a été ravagée par un tremblement de terre, je crois en 1972, et a été reconstruite de bric et de broc sans charme.

Et finalement, journée passionnante! D'une, j'ai revu Veronica, qui avait terminé son volontariat à El Yunque, et était justement à Managua ce jour-là. Quel plaisir de se revoir, de s'échanger les dernières nouvelles, de savoir comment allait tout le monde là-bas....

De deux, le chauffeur de taxi m'emmenant vers la "vieille ville" (qui n'a de vieux que le nom), fan de Dimension Costena, un groupe de musique de la côte caraïbe, chantant et se trémoussant en rythme sur son volant, heureux de me faire partager ce qu'il aimait. Pour un peu, on s'arrêtait au bord du trottoir pour entamer une danse endiablée...

La cathédrale de Managua, un des seuls bâtiments rescapés du tremblement de terre qui a détruit la ville; aujourd'hui elle est abandonnée.


De trois, c'était jour de double manifestation ce jour-là. Le matin, c'était les paysans opposants au projet de Grand Canal: poussé par les Chinois, le Nicaragua a le projet totalement pharaonique de construire un super-méga canal, concurrent de celui de Panama, trop petit pour les super-méga cargos chinois. Une aberration écologique, un désastre pour les paysans; quant à l'utilité économique, elle reste encore douteuse, c'est un peu comme les partisans de Notre-Dame des Landes, quand on leur demande l'utilité de l'aéroport, ils ne savent répondre que "du travail durant le chantier". Quant à savoir si l'aéroport en lui-même se justifie, là....

Bref, le matin, les paysans ont manifesté, et la manifestation a été très durement réprimée par la police; et l'après-midi, c'était la manifestation des pro-gouvernement et pro-canal. Je n'ai vu que la deuxième. L'autre, je n'en ai vu que ce que j'ai pu apercevoir dans un reportage. Celle de l'après-midi était tout autre: joyeux mélange de défilé, love parade, majorettes,danses folkloriques, le tout sous l'oeil très bienveillant de la police. On se doute que ce n'était pas très spontané, tout ça... Surtout quand on voit qu'une bonne partie des participants étaient des jeunes et des enfants, tout heureux de pouvoir montrer leur talent en danse et/ou musique...

Omniprésente dans le défilé, cette femme, toujours accompagnée d'un petit monsieur. Je me suis demandé s'il s'agissait d'une image du président Daniel Ortega et Madame, puisque c'est elle qui en fait dirige le pays; mais j'étais mauvaise langue, il s'agit de personnages classiques. Et une manifestation de partisans du président n'aurait jamais osé se moquer de lui, voyons...


Nicaragua, paradis des majorettes.

Le FSLN, front sandiniste de libération nationale, celui qui avait combattu le dictateur Somoza et en qui, dans les années 80, Reagan avait cru voir de méchants communistes tout simplement parce qu'il était à gauche. Ce qui avait provoqué une guerre civile très manipulée par les USA. Aujourd'hui, le FSLN est un parti de gouvernement, avec tout ce que cela impliquue en bien et en mal.

Cela dit, on reste révolutionnaire et populiste, hein? Même si ce n'est que dans les paroles. Voici donc un hommage au Vénézuelien Hugo Chavez. 





Débarquant là par un pur hasard, j'interroge un jeune pour savoir le but de la manif. "C'est la manifestation pour la joie et la paix", me répond-il. Ah, certes, euh,  beau programme, mais encore?... Il rit, un peu embarrassé: "Oui, c'est vrai, c'est un peu vague; c'est pour le travail, en fait." Donc, manifestation intitulée "joie, travail et paix", ça ne mange pas de pain. On devrait proposer ce slogan à nos dirigeants.

Il y a toujours plus malheureux

Bon, OK, je n ai pas eu de chance durant mon deuxieme mois en Amerique centrale, mais j ai tout de meme eu plus de chance qu Anne, une prof de physique chimie au lycee francais de San Salvador, rencontrée au hotelito perdido a Rio Dulce. A Masaya, toujours au Nicaragua, elle est montée dans un taxi. Sauf que le conducteur n'était pas le vrai... Deux hommes sont entrés à sa suite, lui ont empoigné les mains et bandé les yeux. Tout est passé dans son esprit: viol, meurtre, demande de rançon... Finalement, ils l'ont conduite à un distributeur de billets, l'ont obligée à tirer le maximum. Ils lui ont ensuite rendu sa carte, avec dix dollars pour se débrouiller tout de même un peu, puis lui ont enjoint de fiche le camp du pays sinon il lui en cuirait. Là, j'avoue que je ne sais pas si j'aurais tenu le coup ou si je ne serais pas rentrée en France...

Zombies


Idem, quand je vois certains blancs que j'ai croisés, je n'ose pas penser à ce qu'ils ont vécu... Dans le bus entre San Pedro Sula au Honduras (nuit de déprime totale d'ailleurs, obligée de dormir là pour faire le trajet entre le Guatemala et le Nicaragua, seule dans l'hôtel, dans une ville où il est formellement déconseillé de se promener à pied, or je n'avais pratiquement plus un sou, donc taxi impossible, grignoter un paquet de cacahuètes pour le repas...) j'ai croisé un jeune, maigre, regard perdu, sursautant lorsque j'ai voulu lui parler, ne parlant pas espagnol, ne sachant pas où il dormirait à Managua...  J'ai honteusement "oublié" de lui proposer de partager le taxi avec moi en arrivant, je ne saurai jamais ce qu'il est devenu. Et dans l'hôtel backpackers de Managua, même type de personnage, un jeune maigre comme un clou, regard halluciné, apeuré dès que quelqu'un lui parlait, passant sa journée entre son lit et son ordi... Epaves croisées, où ont-elles échoué?...

Va comprendre...


Plus rigolo, dans le registre "faut pas chercher à comprendre", quand j'ai acheté en catastrophe à Managua (je suis devenue une pro des centres commerciaux de la ville) un petit appareil photo pour remplacer celui volé, le mode d'emploi était... en arabe. Le vendeur était bien embêté, mais c'est tout ce qu'ils avaient reçu. Un petit détail qui montre le quotidien du Nicaragua, pas tout à fait tiers-monde, mais de bidouille et bric et broc.


La guerre des églises?


L'église catholique a du mouron à se faire. En Amérique latine, l'église évangélique lui taille de sacrées croupières. Partout ses églises fleurissent, et se manifestent de façon très bruyante: concerts dans la rue, longs défilés colorés avec saints que l'on porte, cultes tous les soirs en chants et musique. A San Antonio de Upa, les chants de leur lieu de culte s'entendaient du bout de la vallée, à Florès chaque soir était rythmé par le son du culte de l'église de Don Chico...

Cela ne me gênerait pas s'il n'y avait pas de côté sectaire, fermé, que manifeste cette église. Wilmer, à El Yunque, avait appris les paroles de "We are the world", chanson on ne peut plus fraternelle, pour apprendre l'anglais; le pasteur lui a interdit de la chanter car elle n'est pas religieuse. Et chez d'autres, interdiction pour les femmes de porter le pantalon, ou se maquiller.

Héros


Je ne peux terminer sans évoquer les deux héros du Nicaragua, le poète Ruben Dario et le révolutionnaire Augusto Sandino, tous deux au début du XXe siècle. Leurs silhouettes sont reconnaissables entre toutes. Longue cape et grand chapeau pour le poète, chapeau à larges bords, pantalon rentré dans des bottes lacées et cartouches en bandoulière pour le révolutionnaire, leurs images m'ont accompagnée partout, et même si mon espagnol n'est pas expert, le petit peu que j'ai pu lire des écrits de Ruben Dario est d'une somptueuse beauté. J'espère trouver le temps de lire ses poèmes à mon retour en France...

Aéroport de Managua: veillés par la silhouette d'Augusto Sandino, ces bustes féminins portent de magnifiques écrits de Ruben Dario célébrant la femme.



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