Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

mardi 16 février 2016

Nara, ou la leçon de Setsubun

C'est à Nara, qui fut capitale impériale avant Kyoto, que j'ai assisté à Setsubun, la fête du lancer de haricot, qui célèbre l'arrivée du printemps: on lance des haricots de soja grillés pour chasser les démons, qui sont nombreux au moment du passage à  la nouvelle année.

C'est à qui attraper le plus de sachet de haricots de soja. Une dame m'en a offert un ensuite, en m'indiquant que pour porter chance, il fallait manger autant de haricots que d'années de vie l'on compte. Je ne dirai donc pas combien j'en ai mangé...

Après le lance de haricots, les gens se font bénir par les bonzes.


Avant le lancer, lui-même source de rires et de bagarres bon enfant, a eu lieu une cérémonie du feu, où le prêtre a marché sur les braises... puis tout le monde, y compris les enfants et y compris moi. Koua, elle a marché sur le feu ???!!! Tout simplement, avant de marcher sur les braises - ou plutôt sur les bûches brûlantes - on marche sur une poudre blanche - laquelle, je ne sais - et ensuite on marche tout tranquillement sur les bûches, tenant à la main une petite branche de bambou. A la sortie, on remarche sur la poudre blanche.







Désolée pour la qualité des photos, mais anonyme parmi la foule, je ne pouvais pas, comme en France, avoir le privilège d'être devant pour faire des photos de journaliste... Cela change beaucoup de choses...


Cela dit, je n'étais pas allée à Nara pour cela - Setsubun se fête dans tout le pays - mais pour Kasuga Taisha, le sanctuaire aux lanternes, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco (lui aussi. Manifestement, le Japon est une mine de patrimoines mondiaux). Les lanternes ne sont allumées que deux fois par an, dont pour Setsubun.

C'est donc ce spectacle magnifique que je voulais voir. Et... disons que j'y ai eu une petite leçon de tempérance: à vouloir trop faire et trop voir, on ne fait et voit rien du tout... Résumons: les lanternes étaient allumées de 18 h à 20 h 30. A 17 h 30 on pouvait aussi admirer dans le temple de la danse de cour. Mais j'avais aussi appris que dans un autre temple, Kofuku-Ji, à 18 h aussi, allait se dérouler une cérémonie avec des démons.

Savoir choisir, tout un art


Ayant loué un vélo, je regarde le plan de la ville et me dis "pas de problème, je vais faire les trois: Kasuga pour la danse de cour, puis je pédale vite vers Kofuku-Ji, puis je repédale vite pour retourner à Kasuga Taisha dans la nuit pour les lanternes. C'était sans compter avec le monde (pédaler dans la foule, c'est pas top), et avec le fait que Kasuga s'atteint après un long chemin dont la fin ne se fait qu'à pied. En France, j'aurais pu espérer que la danse de cour commence avec un léger retard; au Japon, que nenni: 17h30, c'est 17h30 et pas 31. Je suis arrivée au sanctuaire à 17 h 47, pour voir les danseurs partir et les musiciens ranger leurs instruments.

Pestant, frustrée, je repars sur mon vélo et file à Kofuku-Ji pour les démons. Les places payantes sont toutes prises, mais un gardien sympathique me lance un clin d'oeil et me fait passer ainsi que deux Australiennes, et une dame parlant un peu anglais nous prend sous son aile, toute heureuse de nous expliquer cette fête. Sauf qu'avant les démons, il y a une cérémonie bouddhiste, qui dure une heure. Et il fait un froid de canard tandis que je songe aux les lanternes, qui doivent être superbes à Kasuga Taisha... Avec les deux Australiennes,  nous sommes piégées: si nous partons, nous risquons de heurter nos aides si gentils. Heureusement, javais dit avant à la dame que je risquais de partir avant la fin...

Enfin les démons arrivent, et là, eh bien, les trois Occidentales que nous sommes n'ont manifestement pas les connaissances nécessaires pour apprécier les subtilités de la chose: les démons se contentent de grogner et de brandir des bâtons, au grand ravissement du public qui en réclame plus, tandis que j'entends une des Australienne chuchoter à sa voisine "On s'est congelées une heure pour ça?..." Et avec tout ça, il est 19 h 30... Présentant mille excuses à la gentille dame, je file, un peu honteuse, et repédale comme une malade vers Kasuga Taisha, grimpe les escaliers qui y mènent, snobant les lanternes allumées sur le chemin en me disant que j'aurai le temps de les voir en redescendant du sanctuaire et j'arrive enfin au temple. Avantage: il n'y a plus un million de personnes comme à 18 h, il y en a juste un-demi million.

Confection de lanternes par des jeunes filles en costume et coiffe traditionnels.


Je mitraille comme une malade comme pour compenser la frustration - "c'est au moins ça de pris, hein..." - mais au milieu de  la foule, l'ambiance n'a certes pas la magie que l'on espère.




Le cerf sika est le symbole de la ville de Nara.




A 20 h 30 je sors du temple, pour réaliser - hélas un peu tard - que l'extinction des feux se fait non seulement pour les lanternes dans le temple, mais aussi pour celles du chemin, mille fois plus émouvantes que celles du temple. J'aurais juste le temps de réaliser cela durant les trente secondes où je les verrais avant qu'elles ne s'éteignent.... Je refais le chemin dans le  noir; heureusement j'aime cela, mais bon... Et impossible de me dire que j'y retournera le lendemain: je dois rentrer à Tokyo pour prendre mon avion vers Bangkok.

Du coup, j'ai été noyer ma frustration dan un restaurant de Nara où l'on servait un excellent saké et de savoureux radis blancs cuits au bouillon. Et voilà comment un but de voyage se transforme en bonne petite leçon...


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