Sensée y passer deux semaines, je serai restée en tout six
semaines à New Life, centre de ressourcement par la pleine conscience près de
Chiang Rai au nord de la Thaïlande. J’ai l’impression que mon arrivée était
hier et en même temps il y a une éternité, tellement ce que j’y ai vécu a été
intense. Les journées se vivaient en montagnes russes. Car le travail sur soi,
la recherche de son moi profond – et surtout son acceptation – est difficile et
confrontant…
Les moments de partage, d’ouverture aux autres, ce sentiment
si doux d’être en totale connexion avec eux et avec tout ce qui m’environne,
alternaient avec les moments de doute, d’exclusion ; le malaise ressurgit
soudain quand on ne l’attend pas, avec son cortège : colère, ressentiment,
envie, et surtout cette question lancinante « Mais pourquoi ?
Pourquoi suis-je comme cela ? Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?»
J’ai beau savoir que le travail sur soi implique de passer par ces phases
d’introspection sur tous les aspects de notre âme – les bons comme les moins
bons – ils sont profondément difficiles à vivre.
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Chaque matin, de 6h30 à 7h30, yoga, pour accueillir la journée dans la sérénité Photo par Jasmine de Savigny. |
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Mandalas de fleurs dans le awakening hall, simplement pour le plaisir de la beauté. |
Le partage en commun des expériences lors des ateliers sur
la honte, le ressentiment, le pardon, le jugement, le travail que l’on y fait
sur les émotions m’ont apporté beaucoup : combien de fois j’ai pu voir que
nous avons tous les mêmes angoisses, les mêmes inquiétudes, les mêmes peurs. L’impression
de ne pas être comme les autres, qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez soi,
de ne pas être digne d’être aimé, sont des sentiments universellement partagés,
même par ceux qui semblent forts et sûrs d’eux.
Je revis ici ce qu’une thérapeute m’avait dit un jour où
j’évoquais ma frayeur devant le fait que je me trouvais envieuse, mesquine,
méchante, égoïste, mauvaise... Elle avait haussé les épaules et les
sourcils : « Oui, comme tout le monde… » Cette révélation avait
été une véritable libération pour moi : mais oui ! En fait, je suis
comme tout le monde, humaine, simplement humaine. C’est ce que nous pouvions
vivre ici chaque jour, cette reconnaissance de, finalement, notre humanité
faillible.
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Chaque matin est consacré au travail pour la communauté, "méditation par le travail". |
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Narinder et Vicky, moments de tendresse. |
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Moises |
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Tout sert, tout se recycle. Les feuilles mortes sont appliquées autour des ananas pour éviter les mauvaises herbes. |
Le travail mené à New Life permet de nous réconcilier avec
nos émotions ; car ce sont elles qui sont ancrées au plus profond de nous-mêmes,
elles qui nous révèlent et nous guident, bien plus que nos pensées et notre
intellect. Pourquoi nous réagissons ainsi à telle phrase, telle situation,
telle attitude, tout vient de l’enfant que nous avons été, et que nous avons
tellement besoin de retrouver en nous. J’ai pleuré sur la honte, j’ai pleuré
sur le pardon, j’ai pleuré sur le ressentiment, mais c’était des larmes de
libération, le soulagement de pouvoir exprimer, comprendre, accepter…
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Les canards fournissent les oeufs. Photo par Diana Silva |
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Photo par Diana Silva |
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Nettoyage des oeufs. |
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Réalisation de briques de terre crue pour les bâtiments. |
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Le forest hall, magnifique lieu, avec une âme. |
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Cérémonie au forest hall en mémoire de Johan, le fondateur de New Life, disparu il y a un an. |
J’ai appris également deux éléments essentiels et intimement
liés de la pleine conscience, « l’acceptation» et
« l’impermanence ». S’accepter
soi-même tel qu’on est, avec ses qualités et ses défauts, et, lorsqu’une
émotion arrive, l’accepter, même si elle est négative, au lieu de lutter contre
elle ou de la fuir en occupant son esprit. La notion d’impermanence permet,
elle, de garder à l’esprit que rien ne dure, le plaisir comme la souffrance.
Cela évite de tomber de haut lorsque le plaisir, la joie, disparaissent, et de
se rassurer dans les moments difficiles puisqu’on sait qu’ils ne dureront pas.
Certes, ces notions, je les ai comprises ; après, les
vivre est une autre chose. Autant j’ai pu accepter les moments de tristesse car
ils ont quelque chose de doux, autant le ressentiment, l’envie, la rancœur restent
des émotions qui me terrorisent lorsque je les ressens.
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La ferme possède trois vaches, dont les volontaires et résidents ont la charge. Photo Diana Silva. |
Chaque jour j’ai aussi essayé de vivre les bienfaits du
bouddhisme, du yoga, de la méditation, j’ai essayé de me reconnecte avec les
autres et moi-même, de retrouver une harmonie intérieure. Chaque jour était
comme un tango : deux pas en avant, un pas en arrière...
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La vie en commun permet de vivre de beaux moments de partage. Photo Diana Silva. |
Mais ces avancées restent très fragiles ; on n’efface pas
des décennies de schémas négatifs en un coup de baguette magique. Chacun va à
son rythme, et je me suis rendu compte que six semaines, pour moi, n’étaient
pas suffisantes pour panser les blessures émotionnelles. J’ai reçu des outils
pour essayer d’être en paix avec elles, arriverai-je à les utiliser ?
Car ma grande peur maintenant est : « et
après ? » Arriverai-je à cultiver ce jardin de compassion et
d’ouverture aux autres et à moi-même, lorsque je devrai affronter de nouveau le
stress, les difficultés du quotidien, la pression du travail ? Lorsque je
ne serai plus avec des gens dans les bras desquels on peut se réfugier pour
pleurer le trop-plein d’émotions ? J’aimerai tant avoir la réponse à cette
question…
Pour en savoir plus:
Facebook: New life foundation
Site internet: newlifethaifoundation.com
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