Dix jours à Ponga Pass, c'est quoi, donc? Pour montrer leur sens de l’accueil de Susan et Geoffrey,
voici Richard et Rosa, lui d’Annecy, elle du Wisconsin, deux jeunes
auto-stoppeurs; Susan les a rencontrés à la pharmacie de Greymouth car Richard
s’était blessé au genou et le jeune couple ne savait pas où aller. Elle leur a
proposé de les héberger le temps que Richard aille mieux. Le jeune couple a
donc vécu dans un bateau au fond du jardin, transformé en habitation.

Et puis, du côté des amis, voici donc Claire, la Française que
j’ai rencontrée à la course de chevaux, camarade de chorale de Susan. Lors de
la randonnée sur la pointe Elizabeth, cette conteuse intarissable m’a expliqué
l’histoire de la région, pourquoi elle avait été une des dernières à être
développée : une côte hostile, des récifs sur lesquels on fait naufrage
et, si l’on arrive à accoster, un comité d’accueil composé d’une barrière
quasi-infranchissable de lax (chanvre), que seuls les couteaux de pêcheurs
arrivent à tailler, et l’attaque par les tenamu, les mouches des sables – c’est
sur la West Coast qu’elles sont le plus féroces – la vie rude des chercheurs
d’or ; la West Coast était - et est toujours - avec Otago, la région
aurifère du pays. Geoffrey perpétue la tradition, même si les sites deviennent
de plus difficiles à trouver…
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Claire, en pantalon et sac à dos, a une vision bien à elle de l'habillement chic pour la course de chevaux de Kumara. |
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Le chanvre en question, celui devant lequel les colons se retrouvaient à peine débarqués sur la côte. |
Claire me mimant le weka, un des oiseaux
endémiques de la Nouvelle-Zélande, a été un moment d'anthologie. Coureur comme la plupart des oiseaux de
l’île (ils n’avaient pas de prédateurs avant l’arrivée des Européens), curieux
comme une pie, il est la bête noire des jardiniers car il fouit le sol, comme
les sangliers. Adieu salades et autres légumes lorsqu’il est passé par
là ! La plupart des gens le tuent, Susan n’en a pas le cœur et quand elle
en prend un au piège, elle le relâche au loin. Bref, Claire me raconte le weka,
penchée comme un coureur sur le départ, prête à prendre la fuite comme lui : « C’est un voleur, il
attrape tout ce qu’il trouve, y compris un porte-monnaie, et dès qu’il a un
butin, il file avec en regardant à droite et à gauche - mouvements de tête à l'appui - du style
« Attention ! Est-ce que quelqu’un va me piquer mon
trésor ? » et ce n’est qu’à l’abri qu’il l’inspecte pour voir si
c’est intéressant. » Claire? Elle devrait faire du théâtre !
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Un weka chanceux, remis en liberté par Susan. |
Développée après les autres, la West Coast a gardé son
caractère rude, et ma vie à Ponga Pass m’a fait connaître quelques uns de ses
représentants. Mick Collins, le sculpteur de jade qui a initié Susan il y a
vingt ans ; une barbe blanche, chenu, penché sur sa canne, pipelette et très
marseillais dans l’enjolivement de ses histoires d’après Geoffrey, il m’a fait
penser à ces personnages de Grandpa chez Lucky Luke, coincés sur leur chaise
roulante et jamais plus heureux que lorsqu’ils peuvent s’échapper de la maison
sur leurs quatre roues en brandissant leur fusil avec un grand
« Yipeeee ! ».

Grâce à lui, j’ai découvert que la Nouvelle-Zélande avait
participé à la guerre du Vietnam, il en est un vétéran. La différence avec les
USA est que les soldats australiens et néo-zélandais étaient uniquement des
volontaires ; lui-même s’est engagé pour lutter contre le communisme et
est très fier de souligner que son grand-père a participé à la Première Guerre
mondiale (à Gallipoli en Turquie), son père à la Seconde, et lui à celle du
Vietnam : « La Nouvelle-Zélande a participé à toutes les grandes
guerres », dit-il en gonflant le torse, c'est tout juste s'il ne sort pas le drapeau national. Il
m’a raconté que c’est à la suite d’une expédition de quinze jours que ses
cheveux sont devenus blancs du jour au lendemain. Aujourd’hui encore, il reste
marqué par ce qu’il a vécu, et son corps porte encore les séquelles de l’agent
orange (la dioxine), avec ses oreilles entre autres qui perdent chaque année
des morceaux.
Eldorado sur Serpentine beach
Mick, c’est aussi l’histoire de ce jour où les pluies
intenses ont fait ressortir l’or de la terre ; il revenait de pêche avec
un copain quand, sur Serpentine beach, il a vu « la plage qui étincelait
de paillettes, c’était comme l’Eldorado des légendes, il y avait de l’or sur
quatre milles » - yeux au ciel de Geoffrey « Ben voyons… ».
Avec son copain, ils ont décidé de revenir le lendemain avec du matériel pour
récupérer ce trésor, mais voilà, la marée est passée par là, et le beau trésor
pailleté est parti à la mer avant leur retour… Vérité, légende, je ne sais,
mais l’histoire est belle, et Mick la raconte avec tant d’humour…
Autre personnage savoureux, Grandpa, le père de Geoffrey.
Chercheur d’or lui aussi, fermier et chasseur, il a inventé un fusil à lancer un filet pour attraper le gibier.
Sourire de Susan et Geoffrey : « Sauf qu’il n’a pas pensé à
faire breveter son idée… D’autres y ont pensé à sa place… » Il ne se
pris pas pour me le montrer et se faire prendre en photo avec, sous l’œil un
peu inquiet de Grandma, se demandant visiblement si la Française va se retrouver empêtrée dans le filet…
Que dire encore de ces dix jours? La vie à Ponga Pass,
c’est aussi la rencontre avec John, un gars qui, il y a quelques années, a
traversé toute la Nouvelle-Zélande du sud au nord à pied, sans le moindre
argent, en comptant uniquement sur les rencontres et la confiance. Seule
exception, la traversée par le ferry, qui lui a été offerte par des amis. Une
aventure comme celle-ci peut se vivre en Nouvelle-Zélande car la confiance
entre les gens y est un maître mot.
Au pays des "flossums"
C’est aussi cet Allemand pris en stop par le même John et
qui, avec un humour très britannique, lui fait remarquer le nombre de flossums
que l’on trouve dans le pays. Réponse de John : « Euh, tu veux parler
des possums (opossums) ? » L’Allemand : « Non, non, ce sont
des flossums. » John : « Je peux te garantir que ce sont des
possums. » L’Allemand, imperturbable : « Non, des flossums, des
« flat possums »… » c’est-à-dire des opossums plats, référence à
tous ceux que l’on trouve transformés en crêpes sur les routes. En
Nouvelle-Zélande, on n’a pas de hérissons, mais on a des flossums.
J’ai par ailleurs la fierté de dire que, chez Susan et Geoffrey, j’ai
gagné mes galons « d’hôte HelpX dont on se souvient ». « Parfois
on hésite à reprendre un HelpXer car cela peut être fatigant d’avoir quelqu’un
chez soi et certaines relations ne sont pas faciles, me confiait Susan. Mais
c’est la première fois que je vois quelqu’un qui répond avec enthousiasme quand
je lui propose de désherber, tu as amené de l’énergie et de la vie dans la
maison qui est devenue calme depuis que Navarré habite avec sa copine. Tu fais
partie de ceux grâce auxquels on se dit « si, cela vaut le coup de
continuer avec HelpX ». » J’avais les larmes aux yeux lorsqu’elle m’a
dit cela…
Et pour Geoffrey, je serai toujours « Tutut ». Et
oui, j’ai un eu choc le jour où il m’a dit qu’il ne comprenait pas quand je parlais.
Non pas en raison d’un accent prononcé, mais parce que mon visage expressif et
ma façon de parler très « bédéesque » en truffant mes phrases
d’onomatopées sont parfois difficiles à suivre… La seconde de légère vexation
passée, j’ai décidé de prendre cela avec humour – autant assumer mes mimiques,
hein ? – et d’accepter mon surnom. Et de toute façon, comme je lui ai dit,
il ne me battra jamais sur le terrain des onomatopées, scrtzfrtz !
Grandpa, lui, m’a trouvé un emploi idéal pour le cas où je
me retrouverais au chômage : policière chargée de régler la circulation à
Tijuana au Mexique : « Tu brandis les bras dans tous les sens de
façon idéale pour cela ! » m’a-t-il dit en riant. Merci Grandpa,
grâce à vous, mon avenir est assuré ! J
Avenir incertain
Susan et Geoffrey, eux, vivent cependant actuellement des moments
difficiles ; le dernier site aurifère que Geoffrey a exploité est épuisé,
lorsque j’étais chez eux il était en phase de remise en état du site pour qu’il
redevienne pâturage à moutons avec les bulldozers – d’où le fait que je n’ai pu
voir son travail de chercheur d’or – et ses recherches pour de nouveaux sites
étaient infructueuses, même si les mines exploitées restent encore nombreuses
dans le secteur. Les recherches se font par exploration aérienne, étude géologique,
sondages, l’exploitation elle-même se fait avec des dragueuses, des bulldozers,
des pompes amènent et évacuent l’eau. Il espère trouver un site dans l’Otago,
et sinon il retournera travailler au Yukon, au Canada, ce que le couple avait
déjà fait il y a une quinzaine d’années.
Dilemme pour Susan : le suivre et
voir tous ses efforts mis dans son magnifique jardin risquer d’être réduits à
néant si les locataires de la maison ne s’en occupent pas ? Ou rester,
louer la maison, vivre dans le bateau pour s’occuper du jardin, mais être
séparée de Geoffrey durant plusieurs mois ? Car ce jardin naturel est sa
source de bonheur, de plénitude, sa nourriture physique et spirituelle…
Susan, Geoffrey, je ne sais si je vous reverrai un jour,
mais je souhaite ardemment que vous puissiez trouver une solution, Susan que tu
puisses continuer à suivre avec bonheur les progrès de ton jardin, Geoffrey que
tu puisses un jour racheter l’hélicoptère de tes rêves… Merci pour ces moments,
mon séjour chez vous est un de ceux qui m’a marquée, au même titre que la ferme
RDF de Lucie au Québec et El Yunque au Nicaragua. Je vous aime et vous me
manquez…
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Nouveau jeu à être des reines sur leur trône, Susan et moi, cette fois sur Wood's creek, track, une ancienne mine d'or du début du XXe. |
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Avec Susan, nous avons revécu ensemble nos rêves de princesse d'enfant!... |
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